C'est ce Gamin un peu bizarre, qui traîne toujours dans le jardin. Il est souvent seul,
et s'occupe comme il peut,
en balançant les jambes sur sa balançoire,
ou sur la branche d'un arbre.

Parfois, quand il se croit seul, il se parle à lui-même, à voix haute, se fait des réflexions, des remarques sur ce qu'il a pu voir dans la journée, il se pose des questions auxquelles il répond parfois ensuite, se raconte les histoires dont il est tant friand.

Il parle des autres pensionnaires de l'Hôtel, souvent, répète ce qu'ils ont fait ou dit,
parle du sandwich qu'il les a vus manger.

Parfois aussi, il parle à quelqu'un. On ne sait pas qui. Il ne sait pas non plus. Juste l'habitude d'avoir quelqu'un à qui parler, peut-être –
mais il ne se souvient pas.

Ce n'est pas grave.

Il aime les jolies choses, et peut les regarder longtemps sans dire un mot. Il aime ce qui est doux, et délicat. Un peu comme lui. En plus pur.

C'est ce gamin calme sans être sage, un peu casse-cou, pourtant discret. Un peu timide. Les autres, il ne leur parle pas beaucoup,
il hésite.

Mais il sait raconter les histoires, et il en connaît beaucoup. Ça, il vous en racontera volontiers. Ou alors peut-être qu'il vous regardera en silence, avec ses grands yeux bleus, en attendant que vous lui en racontiez de nouvelles.

Ou il finira par briser le silence pour vous poser ses questions d'enfant, sans détours, avec une candeur et une simplicité que les adultes finissent parfois par oublier.

Mais il est plutôt mature, pour son âge. Il y a quelque chose de troublant au fond de son regard,
quelques traces d'innocence dérobée.

Il met un peu mal à l'aise, parce qu'il n'est pas très accessible. Mais il est attachant, à sa manière. Il fait un peu pitié, aussi, debout sous la pluie. On a envie de l'aimer.

Gamin le vit plutôt bien. Il se demande parfois ce qu'il fait là, depuis combien de temps il y est — à force, on ne voit plus trop le temps passer – et si quelque chose ou quelqu'un l'attend quelque part ; parfois, il reste planté dans le jardin, dans l'expectative, sans trop savoir pourquoi, et accueille alors tout ce qui finit par venir le trouver comme une évidence – jusqu'à la fois d'après. Mais la plupart du temps, il se contente d'exister. Il se sent chez lui en ces lieux, c'est familier et confortable, il y fait nombre de rencontres, et les journées se succèdent tranquillement.

Il ne cherche pas particulièrement à récupérer ses souvenirs, et préfère se laisser porter par le fil des instants.

Oui, il y a longtemps. Au début, il n'y faisait pas attention. Puis, parfois, il était curieux de leurs réactions, et s'en amusait. Mais ce n'était pas toujours drôle. Alors il a commencé à se cacher, inquiet et intimidé, par peur de leur mouvement de recul, ou même pire. Puis il a rencontré Princesse, et elle lui a appris à cacher sa nature aux humains. Depuis, il fait de son mieux pour ne pas leur montrer.

Non, jamais. Gamin n'a jamais éprouvé l'envie de fuir l'Hôtel, c'est plutôt comme s'il y cherchait inconsciemment quelque chose.

Une boîte à musique, dont la mélodie ne quitte plus ton esprit.
Et une voix qui chuchote à ton oreille, loin, dans tes souvenirs.