')"> Satine
| Sujet: •• Les galets sont des âmes [Très terminée] Ven 5 Mai - 1:45 | |
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NOM & PRÉNOM ; secret tmtc SURNOM ; Satine ÂGE ; 23 ans SEXE ; ???? OCCUPATION ; Si les galets pouvaient parler alors ils raconteraient des histoires. De très jolies histoires sur un passé aux joies désuètes et aux tristesses révolues. Les galets échoués sur la plage attendent qu'on leur prête une oreille attentive et légère comme celle d'un enfant qui essaie d'entendre l'océan. Mais ne sont jamais entendu c'est vrai juste balancé à la surface de l'océan pour faire des ricochets.
Les galets racontent des voyages et des tempêtes, l'érosion et le temps qui passe. La douceur ou la violence des océans. Les galets sont des âmes. Les galets sont des Hommes.
Ainsi pense Satine, Satine qui aime se balader et ramasser des galets. Poser une oreille ou une question à un galet qui n'aura rien demandé en murmurant: Les galets sont des âmes. Les galets sont des hommes. Et Satine en caresse la surface du bout des doigts comme pour les réconforter. En ramène dans ses poches pour prendre soin d'eux. Donner des noms. Rêver des personnalités et d'oreilles conciliantes qui entendent les histoires de Satine et qui savent quand quelque chose manque. Ou alors c'est ce manque qui pousse Satine à récupérer ces galets. Un pour chaque souvenir érodé. Un pour chaque personne dont le nom a été oublié. Ou alors un galet pour chacun des résidents croisés au hasard, dans les couloirs, pour s'en souvenir toujours et oublier.
Si vous le lui demandez, Satine expliquera : J'élève des galets. Ce sont des âmes. Des hommes. Un peu de moi, de vous, de nous. Les galets ont des histoires à raconter et je serai là pour les écouter.
Ce que Satine préfère c'est murmurer à l'oreille des galets.
TAILLE ; 1.76 (sans talons) CORPULENCE ; Délicate, Satine est beaucoup trop maigre et fait des anémies à cause de cela. Satine se fatigue rapidement et a des baisses de tentions, perd facilement ses cheveux. Mais depuis peut, Satine essaie de se remplumer un peu. CHEVEUX ; noirs YEUX ; gris cendrés DIVERS ; Tout est dans l'histoire, no spoiler |
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■ caractère & anecdotes
Satine est lunatique. Satine est erratique. Satine voit des trésors dans le commun et le mortel. Satine soulève ses paupières lourdes pour tisser du rêve. Embellir la réalité. Exagérer sans pouvoir ne serait-ce que minimiser une qualité. Une action ou la signification d'un geste, d'une idée, d'une pensée. Satine est la décadence de ces esprits trop libres et ignorants délaissant le trop alambiqué et les complots grotesques. Satine est avant tout une sensation. Le souvenir de la caresse du satin. Son réconfort, sa délicatesse, sa légèreté, mais aussi sa froideur, son insuffisance. Puisque ce que le satin habille jamais ne reste sur des épaules gracile. Et il faut voir l'insuffisance comme un manque, car Satine manque. Ne suffit jamais, puisque voyez-vous c'est un apparat commode et plutôt doux, mais pas essentiel. Un vulgaire colifichet. En réalité. En réalité on se lasse souvent de Satine comme on s'y attache. Satine est bête, Satine ignore. Satine ne compte pas plus loin que le bout de son nez et puis en réalité quelle différence existe-t-il entre le un et le un milliers? Une éternité. Une infinité. C'est pour cela que Satine compte sur ses doigts un dix cent mille infini. Auriculaire annulaire index majeur et pouce. Satine est d'une complexité étonnante étant donné l'apparente ingénuité qui s'attache à chacun de ses gestes trop grands, ses sursauts d'émotions trop intenses. Satine est bête, Satine ne pense pas assez. Satine s'attire la foudre, les ennuis et l'ennui, le bonheur, la chance et la malchance aussi fortement induite par sa manie à déblatérer billevesées et autres histoires abracadabrantesques. Satine est l'oisiveté, la tendresse, l'horripilante présence tantôt relaxante, tantôt agaçante. L'attachante présence, le remède temporaire, le sparadrap qui ne compte pas. Celui qui referme une blessure, mais qui ne comptera jamais assez pour pouvoir atteindre et faire saigner. Satine est une passade, un mieux que rien constamment délaissé, oublié. L'excentrique, l'exotisme d'une vie, mais pas le toujours, le je t'aime, le à jamais. Satine s'en contente mais c'est un de ces mensonges qui ne sont que des nécessités. Satine a l'amertume des catins des bars. Qui s'exhibent et s'échinent pour un regard, quelques pièces et un semblant de dignité qu'on voudra bien leur accorder quand elles sont désirées, mais qu'on le leur retira peu de temps après quand la nuit aura chassé les artifices du satin et du vermeil.
Satine est la colère aussi. Celle qui a des accents solaires, qui fait et défait des univers quand elle est hurlée et fracassée. Cette même colère qui rend impuissant et qui fait saigner ses lèvres et sa peau quand ses doigts ne savent plus comment faire pour retenir et être aimés. Satine en a assez d'être le second rôle, d'être acolyte. Moins que complice. Satine est un accroc sur le satin et qui s'exprime en déchirure constante. Instables ou trop acharnées ses intentions ont le don de fatiguer. Surtout quand Satine s'agite quand une amitié ou un amour se noie et que son estime boit la tasse. Satine a un problème et ce problème c'est Marguerite. Satine a un problème et c'est l'estime qu'on lui renvoie et surtout sa mère qui a ce regard-là: Elle était tellement mieux que toi.
Satine cherche une place, le premier rôle d'une vie où les je t'aime se transforment en médaille de bonheur auquel il faut aspirer. Expirer. Mais Satine perd et c'est un fait, trop pas assez pour quiconque. Il faudrait que Satine éprouve de la fierté, mais n'en possède pas une once. C'est vrai. Satine est une pute de tendresse et d'attention, celle-là même qui déborde de son cœur pour ce monde et ces gens trop beaux. Et dans cette débauche de jolies attentions, de beaux sentiments et compliments il y a Satine qui meurt de ne pas pouvoir se sentir aimé. Satine qui est hypocrite, quelque part entre la franchise et le mensonge. Satine s'étouffe d'une jalousie plus que misérable.
Satine n'aime pas son corps, n'aime pas son genre, n'aime pas se conformer et voudrait prétendre à l'exile de soi. Satine ne pense pas assez. Trop bête c'est vrai pour faire l'intellectuel dans des soirées chic. Satine regrette parfois la vie. La sienne. Un galet est une âme. Satine voudrait être un galet. Puisqu'ils sont des Hommes. Satine soliloque ses contrariétés. Satine pourtant se rappelle et c'est sa plus grande fierté, de toutes les textures. De toutes celles qu'ont effleuré ses doigts. Satine est une sensation et s'exprime en texture. Satine est la caresse du satin, sa frivolité et sa froideur aussi. Puisque le satin n'a rien de réconfortant. Satine s'épuise dans des sourires millénaires.
Satine a l'énergie de ceux qui éprouvent encore de l'espoir pourtant. De ceux qu'on voudrait secouer et à qui on voudrait crier « ouvre les yeux !!». L'optimisme s'écrasant contre une falaise trop abrupte. Satine est une blessure à l'âme comme le vague et la mélancolie qui s'en inspire n'est qu'une barque brinquebalante qui se donne des airs de bateau de croisière. Satine a des silences qui durent des éternités. Des choses qui ne peuvent être exprimées. Dans la bouche de Satine il y a le tout qui n'est jamais révélé et son contraire qui se justifie par un besoin constant de paraître. Satine étouffe constamment des maux quand il faudrait soigner les âmes. Satine perd la réalité et s'évade un peu. Satine a peur de l'eau quand elle recouvre ses orteils. Du bruit quand il est plus assourdissant que le sien. De l'immensité quand Satine se trouve minuscule et sans intérêt. Du noir trop noir. Du blanc trop blanc. De la lune sans ses étoiles. Du soleil sans nuage. Satine ne s'expose jamais vraiment. Satine élève des galets car les gens sont comme le sable. Ils s'infiltrent entre ses doigts si bien qu'ils ne peuvent jamais être retenus par ses mains. Pas même par ses poings. Mais un galet c'est une âme, c'est un Homme, ou tout comme. Un galet c'est une victoire.
Et l'histoire de Satine est pleine de défaites. |
Cher toi,
Je ne sais pas qui tu es, tu ne sais pas qui je suis non plus. Tout ceci n’est qu’un hasard, le résultat aussi d’un ennui sans fin, car vois-tu je erres ici-bas depuis bien trop longtemps. Je crois que j’ai besoin de me rattacher à la réalité, cette drôle de réalité qui est la mienne, qui est la tienne. Tu ne sais pas qui je suis et c’est là tout l’intérêt de cette drôle de correspondance. Je ne sais pas qui tu es et c’est là tout l’intérêt de cette drôle de correspondance. Nous ne serons donc jamais déçus de nos silences. De tes absences et des miennes. De nos oublis. Il n’y aura rien à regretter puisque ne sommes en aucun cas liés. Je ne sais pas si tu répondras et après-tout qu’importe, c’est mon ennui que je cherche à distraire ici, un pari un peu fou aussi que je te lance à toi.
J’ai longtemps aimé les mots, la lecture et l’écriture, même si hélas, je n’ai jamais eu le talent ni le temps nécessaire pour m’y adonner. Mais maintenant que l’éternité s’offre à moi je regrette de n’avoir jamais vraiment essayé. J’aimais correspondre, tu sais ? Avec une fille qui portais le même prénom que toi, mais tout c’est arrêté quand j’ai fini par oublier. J’ai fini par oublier de lui écrire, j’ai fini par oublier ses lettres, ses mots chantants et les marguerites dont elle affublait ses points. Elle disait que cela contribuait à atténuer la douleur de l’épilogue, de la fin. Peut-être qu’elle savait que cette histoire prendrait fin un jour. Après-tout, les femmes ont toujours été plus perspicaces que les hommes. J’ai fini par oublier de le regretter et d’en éprouver ne serait-ce qu’une once de culpabilité… Mais comme tout est étrange ici, comme les murs semblent se moquer du mal qu’ils peuvent nous causer, c’est son visage qui me hante quand c’est moi qui ne suis plus qu’un vulgaire éclat de vie un peu terne. Mais même si je t’expliquais tu n’y entendrais rien.
Je voudrais que tu me parles de toi, Marguerite. Je voudrais que tu me dises comme se passe ta vie et si elle mérite la peine d’être vécue. Je voudrais que tu m’aides à me rappeler, je voudrais que tu m’exhortes, que tu me donnes ne serait-ce qu’un peu de courage, infime, la force de na pas disparaître. Je voudrais qu’on se rappelle de moi et je voudrais que toi tu t’en rappelles. J’espère que ce n’est pas trop demandé.
Bien à toi,
Moi.
Et sur la pile de lettres et de factures, de relevés et de publicités trônait cette lettre. Et si le prénom du destinataire ne lui avait pas fait sursauter le cœur, alors elle se serait perdue, personne n’y aurait jamais prêté attention. Après quelques secondes hésitantes, la lettre disparue dans l’une de ses poches. Et ce geste, anodin, prenait des dimensions dantesques quand l’esprit se met en route et qu’il se permet d’échafauder des scenarii désastreux. Et la culpabilité finissait par lui donner la nausée, par faire trembloter sa lèvre de faiblesse, par lui donner des vertiges. Ou alors ce n’est pas la culpabilité, mais la peur qui lui donne envie de tout arrêter. De reposer cette lettre ou de la déchirer. Mais c’est trop tard maintenant, en haut des escaliers, le souffle court et le cœur battant d’avoir trop couru, d’avoir failli dérapé sur les dernières marches. Ses doigts extirpent le précieux plis, tandis que sa bouche jure que tout va bien et que ses yeux fixent le lit.
Cher toi,
Je ne savais pas encore, il y a cent jours, que j’allais te répondre. Je ne savais pas non plus quoi faire de tous tes mots. De toutes tes phrases. Tu as de la chance, Inconnu(e) que ta lettre ne soit pas tombée entre les mains de ma mère. C’est une bien drôle d’idée que tu as eu là et tu ne sais pas quels chambardements tu aurais pu provoquer. J’ai longtemps hésité. J’ai failli brûler cette lettre et ces petits bouts de toi que tu daignes m’offrir sans même me consulter. Enfin, me, lui, mais c’est un peu compliqué et il y a des vérités que je n’ai pas envie d’exprimer, dans l’immédiat. Mais je n’ai pas pu me résoudre à le faire, puisque toi tu sembles avoir autant besoin de courage que moi.
Je ne m’appelle pas Marguerite et peut-être que cela te décevras, qui que tu sois. Et après-tout la Marguerite qui dessinait des marguerites sur ses points n’aimerais pas que tu la remplaces par une vulgaire contrefaçon. Je ne m’appelle pas Marguerite et je voudrais que tu n’écrives plus ce nom sur les lettres que tu envoies. C’est peut-être trop demandé, mais la Marguerite de cette maison n’est plus et il ne faudrait pas que cette correspondance fasse de la peine si on venait à trouver tes enveloppes jaunes.
Notre Marguerite t’aurais répondu, je crois même qu’elle se serait empressée de t’envoyer des fleurs séchées et un petit sachet de safran, elle se serait même débrouillée pour t’offrir un petit bout de soleil. Pour que tu puisses te la représenter. Tu aurais adoré Marguerite. Tout le monde a toujours adoré Marguerite. Mais Marguerite n’est plus.
Ne réponds pas,
Moi.
Ses dents éraflèrent ses deux lèvres, de tristesse difficilement dissimulées dans des hoquets erratiques. Ses yeux obstinément grands ouverts pour ne cligner des yeux et laisser s’échapper des perles sales qui finiraient par imprégner le papier. Par tout gâcher. Il faut du courage pour refuser les plus improbables des requêtes et ce courage-là semblait manquer surtout que le lit n’a toujours pas été défait et qu’en comptant sur ses doigts ça fait quand même une infinité de jours qu’il ne l’a pas été.
Toi,
J’ai trouvé dans l’enveloppe des pétales de marguerites et des épices dorées. C’est drôle tu vois, j’avais oublié que les marguerites étaient blanches et que le soleil brillait si fort, mais après avoir reçu ta lettre j’ai eu envie de revoir le soleil. J’ai aussi hésité avant de te répondre, car tu m’as demandé de ne pas le faire et j’ai bien compris que j’avais été quelque peu rude, mais que veux-tu, mes rêves et mes regrets ont cela en commun.
Je ne savais pas comment t’appeler, alors j'ai simplement mis ton adresse et ce pronom qui te correspond parfaitement. Toi. Il m'arrive de te poser des questions, dans mon esprit, d'essayer de me représenter ton existence de manière tangible. Tu es comme un fantôme et c'est drôle parce que ma condition... Enfin. Tu n'as pas réellement à le savoir. Mais c'est ce qui me pousse à t'écrire de nouveau, malgré ton interdiction. Alors je te le demande. Me répondras-tu?
En y réfléchissant bien je sais plus de chose sur Marguerite que sur toi. Me parlerais-tu de toi? Me diras-tu ton nom? C'est à toi que je le demande et non à Marguerite.
Bien à toi,
Moi.
Le facteur s'arrêta pile devant la porte de cette maison à pignons. Les routes sont cahoteuses et il n'aime pas particulièrement se rendre dans cette rue. Le voisinage n'est pas très souriant surtout quand le facteur en question a la peau trop bronzée. Les visages sont tout de suite plus crispés et il les entend ces vieilles dames jurer qu'elles ont vu l'homme ouvrir le courrier des résidents. Les parapluies de Cherbourg ne dansent plus la gigue pour le ciel, ce spectateur céleste, qui tire toujours la tronche et qui se pleure en anthracite. Ici il n'y a que des galets et de la pluie. C'est triste à crever. Et quand il se met à y penser alors il se remémore. Il y avait une fille ici. Aux cheveux courts et aux sourires d'été. Une fille qui savait dire bonjour et qui connaissait son nom aussi. Une fille qui avait un nom de fleur et qui avait toujours les bons mots pour l'encourager lui. Mais cela fait trop de semaines qu'il ne l'a pas vu passer. Parfois il attend quelques minutes. Il imagine qu'elle va passer cette porte beige et lui demander: Tu n'as pas vu des parapluies danser aujourd'hui, Malik?
Il attend, les yeux rivés sur la porte. Il a peur de sonner et de demander où elle a bien pu passer. C'est délicat à expliquer le lien qui les unis. Cet amour pour les vieux films chantant et pour cet échange de regards et de sourires qui voulaient tout dire et qui redonnait un peu d'âme à ce lieu trop sec d'humanité. Alors il espère et il prie parce que la bonté n'est pas quelque chose dont il peut se passer.
Pourtant le temps s'égraine et il doute. Son esprit rationnel lui murmure qu'il y a trop de jours qu'elle ne s'est pas montrée et que ces quelques minutes sont vaines... Alors Malik secoue la tête et s'apprête à glisser les quelques lettres par la chevillière.
Soudain, la porte s'ouvre! Son cœur rate un battement et fait renaître un peu de cet espoir qui donne à ses joues un peu de ce cramoisi d'aube et de nouvelles promesse. Il se redresse, esquisse son plus beau sourire... Mais ce n'est pas elle. La magie se brise. Il cligne des yeux et retrouve le gris, un peu de rouille dans la bouche. Son sourire vacille de vaillant à faiblard. Marguerite n'avait pas les cheveux longs.
- Du courrier... Bafouille-t-il, affreusement gêné. Déçu et meurtri. Sans trop savoir pourquoi. Il dépose le contenu des lettres prestement. Il ose murmurer: - Où est-elle?
La silhouette s'anime, il ose à peine la regarder.
- Partie. Elle ne reviendra pas.
Il s'en doutait un peu, au fond. Qu'espérait-il? Il esquisse un : «Ah.» Bien grave et bien lourd. Comme son cœur. Ô qu'il souffre! Il se retourne pour ré-enfourcher son vélo, se demandant sans cesse comment il va bien pouvoir faire maintenant, pour aimer Cherbourg et sa pluie? Mais il s'arrête quand il entend:
- On dirait qu'il va pleuvoir. Vous verrez peut-être des parapluies danser, sur la route.
Alors il se retourne et se traite d'idiot. Parce qu'il n'avait pas pu voir qu'il y avait un autre sourire qui l'attendait sur ce visage inconnu. Alors il dit:
- J'espère bien.
Cher toi,
Je ne sais pas pourquoi tu t'obstines, je n'ai rien d'intéressant à te confier. J'ai du mal aussi à imaginer les raisons qui te poussent à continuer. D'ailleurs ta main semble un peu usée d'écrire. C'est comme si ton stylo dessinait des vagues et des tremblements sur le papier. C'est lisible, mais si ténu que je m'imagine maintenant que tu es malade et que toute cette correspondance te coûte trop d'énergie. C'est affreusement irresponsable de faire cela. Tu devrais te reposer, tu ne penses pas?
J'ai fini pourtant par comprendre qui si tout ceci avait un sens alors seul(e) toi en connait la raison et son secret. Et je ne peux pas réellement t'empêcher d'écrire alors soit. J'écrirai un peu. Des choses sans importances et fades. Qui manquent de consistances.
J'ai revu le facteur aujourd'hui. Celui avec qui Marguerite parlait de vieux film et c'est un peu à cause de toi. Lui aussi était déçu de ne voir que moi. De ne plus pouvoir la contempler. Marguerite était un univers de tolérance et de paix. Elle pouvait offrir du bonheur et un asile à ceux qui avaient le courage de plonger dans ses deux yeux. Mais maintenant il n'y a que moi. Et moi je n'ai rien de particulier. Pas assez de courage pour défier la vie et l'univers.
Marguerite nous a laissé orphelins, et c'est vrai, de tout ce bonheur et de ces rires qu'elle provoquait. Ma mère ne lui pardonnera pas. Mais il ne lui reste que moi à détester. Alors je suppose que c'est mieux ainsi.
Je peux te parler d'elle si tu veux. Puisqu'il se trouve qu'elle nous a engendré tous les deux. C'est le début de mon histoire. De celle de Marguerite. M'écouteras-tu? Ou alors préfère-tu me parler de ta vie? Et s'il te faut absolument un nom alors il te suffira d'inscrire celui-là sur tes prochaines missives: Satine.
Prends soin de toi,
Moi.
Satine s'en veut du mensonge et se rappelle de la fierté qui fut la sienne quand la déception de Malik s'est métamorphosée en quelque chose de plus beau. Marguerite lui a fait promettre d'essayer de sourire même après son départ. Et Satine n'avait pas compris à cet instant précis qu'elle lui confiait la clé du pouvoir qui fut le sien.
Ses yeux s'attardent un instant sur les lettres entreposées dans une petite boîte en bois. Et comme pour marquer un peu plus sa propre identité, pour finalement décider d'y glisser des camélias et quelques gouttes de vanille sur du papier buvard.
Satine,
Puisque c’est ainsi que je dois te nommer alors, il faut que je m’y fasse. J’essaie de t’imaginer plus précisément maintenant. Monarque ou alors princesse, puisque ton existence se résume à une fleur royale. Peut-être que cela fait de toi le centre d’un univers et qu’il ne tient qu’à toi de le contrôler. Mais ça tu le sais peut-être et je ne m’épancherais pas plus là-dessus car après tout qui suis-je pour te donner des leçons de vie ?
Tu n’as pas à t’inquiéter pour mon état de santé. En réalité il ne pourrait être pire comme il ne pourrait être meilleur. Il est vrai que j’ai besoin de me concentrer pour pouvoir me concrétiser suffisamment, pour pouvoir tenir un stylo et y écrire des mots et des phrases qui ont trop peu de sens. Mais qu’importe, après-tout. Ce n’est pas quelque chose qui doit obscurcir ton esprit, même si je te remercie. Il y a trop de temps que personne n’ a jamais manifesté ne serait-ce qu’un soupçon d’inquiétude.
Tu es libre de me parler de ce que tu souhaites, car l’intention me plaît et c’est ce qui compte, mais laisse-moi libre juge de ce que j’y lirai et de l’importance que je souhaiterai donner à tes mots et tes histoires.
Bien à toi,
Moi.
Et sur sa bouche il y a un sourire, quelque chose de trop doux qui ne peut réellement être contrôlé. C’est cette douceur qui en était la plus sincère caractéristique, ce que Marguerite trouvait de plus incroyable chez Satine. Alors elle se laisse bercer, tendrement, c’est un peu comme quand ils étaient enfants.
Ses doigts s’empressent de caresser ses cheveux courts tandis que son bras recouvre ses épaules. Marguerite s’en va, elle le souhaite de tout son cœur et c’est un fait trop tangible pour être écarté par un sourire. Ou des suppliques. Marguerite veut s’en aller, Marguerite voudrait aller dans un ailleurs où elle pourrait être ce qui lui plaît. Son véritable elle qui n’est pas elle.
Elle se fend d’un sourire, repousse tendrement ses épaules pour pouvoir saisir son visage.
- Tu pourrais venir avec moi, tu sais ?
En réalité c’est un peu une supplique. Elle voudrait pouvoir lui donner un peu de ce courage qui lui fait défaut.
- Personne n’est obligé de rester ici. Personne ne dira rien. Une fois que nous serons partis rien ne nous empêchera d’être qui nous sommes. Personne ne nous connaîtra, on pourra tout recommencer. Tu pourras être Satine, tu pourras port-
Mais elle se fige quand elle capte un hochement de tête.
- Je ne peux pas partir. Pas maintenant.
Ses doigts relâchent son visage et ses yeux pleins de défis le jaugent pour y graver de la colère.
- Pourquoi pas ?! Dis-moi pourquoi tu ne pourrais pas partir ! Qu’est-ce qu’il y a de bien ici ? Alicia ? Est-ce qu’elle sait pour toi ? Non bien sûr ! T’as pas le courage ! Et qu’est-ce que tu feras quand elle regardera dans tes armoires ? Tu lui diras que ce n’est pas ce qu’elle croit ? Allons Ly-
- Tais-toi !
C’est un cri de colère qui foudroie l’air. Sa bouche se pince avec plus de force. Ils ne s’étaient jamais disputés avant. Jamais. Et Marguerite sait à quel point ses mots l’ont blessé, à quel point ils sont vrais. Elle secoue la tête. Ce n’est pas comme ça qu’elle imaginait son départ. Leur départ.
- Moi je ne peux pas rester. Moi je dois partir d’ici.
Marguerite croise les bras, n’ose même plus regarder son visage. Elle n’arrive plus à sourire. En réalité elle suffoquait.
- Je sais… Je sais… Mais je ne peux pas partir. On ne peut pas laisser Maman toute seule, tu sais ?
Marguerite renifle, secoue la tête. Maman est une excuse, un mensonge. Mais qu’importe, qu’importe, elle croit en son cœur et cette gentillesse là, même si elle est enrobée de lâcheté, n’est pas un mensonge et elle le sait. Alors elle l’enlace avec toute sa conviction.
- Il faudra garder le sourire. Pour les autres. Si tu peux encore sourire alors tout ira bien.
Ses doigts glissent dans ses longs cheveux, déçue, mais quelque part elle s’y attendait.
- J’essaierai.
C’est murmuré et un peu reniflé. Marguerite finit par se rendre qu’elle n’est plus la seule à pleurer.
- Tu sais où me retrouver.
Parce que malgré tout, elle voulait croire aussi, qu’un jour ils se retrouveront et que cette fois-là ils seront vraiment heureux.
Toi,
Tu as dit que tu connaissais Cherbourg, alors peut-être seras-tu surpris de savoir qu’aujourd’hui cette ville porte un nom différent. C’est peut-être pour cela que je l’aime, malgré-tout. Parce qu’elle est capable d’évoluer, qu’elle ne se laisse pas mourir et qu’elle trouve le moyen d’exister. De perdurer et de prospérer.
Ma mère a grandi ici. Elle a déjà (mal) vécu la première fusion avec Octeville et elle était de ceux qui n’étaient pas franchement pour. Elle avait peur de perdre de son identité, mais en réalité j’imagine qu’elle avait surtout peur de la concurrence, qu’elle avait très peur aussi du changement et de demain. Elle a toujours eu peur de tout, ma mère. Et ces peurs-là n’ont souvent rien de bien raisonnable, mais c’est ainsi. Je sais qu'elle fait de son mieux.
Elle dit que c’est depuis que mon père s’en est allé, alors qu’elle imaginait qu’entre eux c’était pour toujours et à jamais. Elle a toujours été un peu naïve. Elle rêvait du prince charmant, des jolies fins, aimait penser que demain serait forcément meilleur qu’aujourd’hui et que tout irait bien. J’aimais les histoires qu’elle nous racontait quand nous étions jeunes, mais après le départ de mon père elle est devenue amère et triste… Si triste, tu ne peux pas l’imaginer ! Il ne lui restait plus que moi, plus que Marguerite et sa petite boutique, rue des tanneries.
Elle était douée et si elle ne noyait pas son existence avec du vin et des antidépresseurs alors elle le serait encore. Mais maintenant sa main tremble un peu trop et les coutures sont inégales. Alors c’est moi qui m’occupe de coudre, maintenant elle se contente d’imaginer ou d’encaisser.
Mon père lui était fleuriste et sa boutique se situait juste en face de la sienne. Je crois que c’est comme ça qu’ils se sont rencontrés. Maintenant, il a cédé son commerce à quelqu’un d’autre et il est parti. Faut dire qu’il pouvait pas rester là. Maintenant elle déteste les fleurs et il lui en restait deux sur les bras. Marguerite et moi.
Et c’est tout ce qu’il y a à dire sur elle, parce que tu peux bien l’imaginer on ne s’entend plus parler. On ne s’entend plus aimer. Après le départ de Marguerite elle pouvait à peine respirer. Il lui reste que moi et parfois j’ai l’impression que ça va me tuer.
Satine
- Partie? Répétait-elle, abasourdie. Non... Non... Non! Pourquoi serait-elle... Commençait-elle, sans pouvoir terminer.
Elle fixa le porte-manteau, sans y voir son anorak bleu. Ses clés avaient disparu du clou, ne restait plus sur la commode que celle de la maison qui trônait à côté d'une lettre qui lui était destinée. Ses doigts tremblotaient contre sa cuisse. Au lieu de se précipiter sur la missive, elle s'en détourna et préféra monter quatre à quatre les escaliers, son second enfant accroché à ses talons essayant de la convaincre que cela ne servait à rien. Mais elle n'écoutait pas. Comment le pouvait-elle? Ce serait admettre que sa petite Marguerite était partie elle aussi. Comme son père.
Elle entra dans la chambre de sa fille, découvrit les portes de l'armoire ouvertes, sa valise avait disparu. Elle ouvrit tous les tiroirs, frénétique, cherchant une quelconque trace de Marguerite. Il ne restait plus rien. Même les photos sur son mur étaient décrochées, ne restaient que des carrés plus clairs sur le papier peint, comme s'ils tenaient à témoigner de ces petits fragments de vie qui avaient disparu. Elle resta un moment là, au milieu de la pièce, à constater son absence dans chacun des recoins de cette pièce. Mais quelque chose n'allait pas.
- Marguerite n'aurait pas pris ses robes. Ni ses talons.
Hors, il ne restait plus rien.
- Pourquoi les aurait-elle prise, elle ne les mettait jamais.
Sa main tremblante se issa jusqu'à sa bouche, par à-coups. Ses yeux cherchaient encore, ses lèvres priaient le silence et le vide, suppliaient même qu'ils daignent déchirer le voile de son absence. Quand finalement sa main arriva contre son visage elle inspira brutalement, les lèvres pincées pour étouffer un gémissement. Quelque chose de profond et d'innommable. C'était comme une plaie béante à l'âme. Elle étouffait, entre sanglots et hoquets, le visage bouffis et sale de rimmel et de larmes. Tout lui revenait en mémoire. Leurs disputes trop abruptes et leurs embrassades qui furent trop rares. Elle s'en voulait, elle s'en voulait tellement! Au fond elle en connaissait la raison.
- Maman...
Elle se rappela alors qu'elle n'était pas seule et, alors qu'elle était à deux doigts de s'effondrer elle tint bon. Le corps foudroyé par une colère sourde. Implacable. Elle se retourna et attrapa son col avec force.
- TOI ! Mugit-elle, la paupière tremblante et les doigts crispés. Elle pourrait briser des nuques, à cet instant. Une seule et unique nuque. - TU SAVAIS. TU SAVAIS ET TU NE L'AS PAS EMPÊCHÉ! Elle s'agrippa plus fort. Mais le désespoir gagnait du terrain. L'une de ses mains attrapa ces cheveux trop long qu'elle détestait tant.
- TU ÉTAIS LÀ. TU AURAIS PU... COMMent as-tu... Ses genoux tremblaient, peinaient à la maintenir debout. Elle écumait d'une rage animal.
- C'EST DE TA FAUTE, renchérit-elle, acide, dans sa tête cette phrase chassait les dernières traces de culpabilité qu'elle éprouvait jusqu'alors puisque c'était de sa faute. Ses doigts tirèrent plus fort sur ces long cheveux sombres, répétant inlassablement un « Je te déteste » aux accents volcaniques et acides qui pourraient percer n'importe quelle armure.
L'enfant tint bon, pourtant. Et alors qu'elle jurait qu'elle le détestait et qu'elle voulait qu'il disparaisse il tint bon. Un sourire sur la bouche, ce même sourire qui était capable de sauver des vies, celui que Margueritte lui avait demandé de garder. - Je suis là... Ça va aller. Et à mesure que sa bouche tentait de la calmer et que sa propre main caressait ses cheveux grisonnant il sentait qu'elle se calmait. Ses doigts perdirent de leur brutalité pour devenir faibles et tremblotant de peine.
- Ma Marguerite... Sanglotait-elle. C'était la fin d'un monde. Du leur. Tout tombait en lambeau de chagrin. Et jamais ils ne pourront s'en relever.
Satine,
J'ai l'impression que cela fait des années que je ne suis pas venu à Cherbourg. Des années. D'ailleurs tout doit avoir changé, sauf peut-être son port. Sa clameur et sa vivacité. Je suis heureux qu'elle ne se soit pas dissoute et que tu l'aimes, toi aussi.
Alors comme cela tu es couturière? Avec un nom pareil cela ne m'étonne pas vraiment. Je suis triste d'apprendre un peu de tes malheurs et j'ai l'impression que tu souffres encore plus que ce que tu ne l'avoues. Je suis trop distant pour pouvoir apporter ne serait-ce qu'un semblant de réconfort... Cependant, je peux essayer.
Est-ce que tu es déjà allée sur la plage de galets? Si tu as l'occasion de le faire, va et récupères-en quelques-uns. Observe-les, tu peux même les caresser du bout des doigts. Est-ce que tu savais qu'ils passaient des temps immémoriaux dans les eaux? Ils sont ballottés par les courants. Se cognent, s'éraflent, subissent l'érosion des éléments et du temps. Ils vivent, mais ne meurent pas. Ils finissent par s'échouer. Lisses et brillants. Forts des épreuves qu'ils ont traversé.
Un jour quelqu'un m'a raconté qu'ils étaient des vaisseaux. Des morceaux d'aventures que personne ne prend la peine de contempler. Mais moi je crois qu'ils ont des âmes. Qu'ils nous représentent en quelque sorte. Alors ramasse ces galets. Imagine aussi que les ennuis sont l'océan et le mauvais temps. Imagine aussi que tu es un galet qui s'est échoué sur la plage. Imagine qu'après des années et des années quelqu'un décide de te ramasser. De tendre l'oreille pour t'écouter. De tendre les doigts pour te regarder ou alors admirer ton existence. Imagine un peu qu'il décide de te garder au lieu de te jeter à la mer. Les galets ont des âmes. Si tu y penses et que tu y crois alors quelque chose de bien arrivera un jour.
Je pense à toi et je ne t'oublie pas,
Moi.
Ses yeux rouges fixaient l'océan avec trop d'intensité, peut-être. Ses mains caressaient la surface de galet. Et peu importe si tout ceci avait l'air fou. Satine voulait y croire. Peu importe si croire que les cailloux ont des âmes est ridicule. Tout allait mieux dans son cœur et même les éclairs n'arrivaient pas à agiter son horizon et son océan intérieur. Une sorte de paix semblait gagner tout son être. Et après les hurlements et la douleur, l'absence et le dégoût, cette paix soudaine faisait un bien fou. Alors qu'importe la folie, le ridicule.
Toi,
J'ai du mal à y croire moi-même mais ça marche. Je n'ai plus l'impression d'étouffer et cela fait des années que j'en ai l'impression, ces dernières semaines ont seulement été plus éprouvantes à cause du départ de ma sœur.
Elle était mon phare, j'étais le sien. Après-tout nous sommes arrivés sur terre en même temps. Marguerite la première et moi... Suivant piètrement ses pas. Nous étions très liés, nous avons toujours été très complices. Peut-être parce que nous avions l'impression que nous nous comprenions plus que quiconque. Et c'est le cas, tu sais ?
Nous avions l'habitude de nous tenir à l'écart du monde, ou alors exactement en son centre. Marguerite aimait qu'on la remarque. Je détestais cela. C'est pour moi qu'elle restait parfois en marge des autres. C'est pour elle que je me mêlais aux autres. Ainsi nous nous sacrifions pour l'autre sans que cela ait des airs de sacrifices, justement.
Les autres avaient du mal avec ce nous. Peut-être parce que nous étions trop fusionnels ou que nous nous défendions l'un l'autre avec beaucoup trop de véhémence. Il faut dire que lorsque notre père nous a quitté et qu'il ne nous restait plus qu'une demie mère qui refusait régulièrement de se lever alors nous comptions l'un sur l'autre plus que n'importe qui.
Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas très différent. Je dirai même que nos différences s'expriment plus que nos ressemblances. C'est une question d'esprit, tu vois. Mais nous étions un tout, ensemble, on avait l'impression qu'on pouvait déplacer des montagnes.
Tu peux bien imaginer que ces derniers mois ont été terribles. Nous nous parlons parfois, puisqu'elle m'a laissé le numéro de son nouveau téléphone. Je lui raconte nos lettres et tu l'intrigues beaucoup. Mais ce qui revient le plus souvent c'est mon départ. Elle voudrait que je la rejoigne... Et tu sais... C'est difficile. Il y a ma mère... La boutique... Il y a aussi Alicia et puis... Il faudrait que je laisse Lysandre, une bonne fois pour toute et je ne suis pas.... Enfin. Voilà.
Tout cela pour te dire que j'ai peint des tourbillons sur certains galets et parfois j'ai l'impression de pouvoir t'entendre si je tends l'oreille et que j'écoute suffisamment.
Continue de me raconter des histoires,
Satine
Elle attendait, assise dans son fauteuil, les yeux rivés sur la porte. Elle avait peur. Depuis le départ de Marguerite elle avait peur que celle-ci ne s'ouvre plus jamais. Qu'elle soit seule à jamais. Il ne me restera plus qu'à mourir s'ils me laissent tous. Elle était lasse, si lasse en réalité. Parfois elle se surprenait à penser comme ce serait doux de se laisser aller aux opiacés. Surtout quand les ennuis s'amoncellent et que son esprit s'engluent dans les soucis et les non-dits. Et comme elle gratte l'accoudoir avec son ongle elle y pense. Sérieuse, se lançant des effectives silencieuses. Se traitant de tous les noms aussi. C'est difficile de respirer avec tant de peine et de colère coincée dans cette gorge écorchée.
La porte s'ouvrit, finalement, elle rouvrit la paupière. Juste à temps car elle se voyait déjà ramper vers la boîte à pharmacie. Son sourire, aussi énigmatique et mince que l'horizon se voulait rassurant quand elle tendit les bras pour accueillir l'enfant.
- Approche mon tout petit. Chuchota-t-elle, trop avenante. Et l'enfant s'approcha. Elle tapota son genou et il s'installa sur le sol, la joue contre son genou calleux. Ses doigts rachitiques caressèrent distraitement ses cheveux. Pendant quelques minutes elle imposa le silence. Après un soupir elle déclara:
- Dis-moi ce que j'ai fait de mal mon petit Lys. Dis-moi, suis-je une bonne mère? N'ai-je pas eu raison de lui interdire de déblatérer de telles âneries?
Et l'enfant ne bougea pas. Ne tressaillis pas et mais garda les lèvres scellées. Sa mère tiraient ses cheveux à présent, mais il ne geint pas. Il resta là. À écouter.
- J'ai fait ce que toutes les mères auraient fait. Tu ne crois pas? Soupira-t-elle pour elle-même? Elle sentait un peu le vin et son esprit divaguait un peu. Mais tu sais, reprit-elle après une petite pause magistrale, les filles ne peuvent pas être des garçons parce qu'elles sont des filles. Et toutes ces futilités sur son lui intérieur et sur ses sentiments... Non mais tu l'as écouté? Qu'est-ce que j'ai pu faire pour mériter tout cela? L'ai-je mal éduqué? C'est comme si toi tu te mettais à dire que tu veux être une fille. Alors qu'un garçon est un garçon. Même avec les cheveux long. N'est-ce pas?
Mais l'enfant tressaillit et se mordit la lèvre intérieur avec plus de force priant pour qu'elle ne remarque rien. Mais sa main s'était déjà figée, dans ses cheveux.
- Ses robes... Ses talons, susurrait-elle, blanche. Elle repoussa l'enfant, lui saisit le poignet avec violence et l'attira à sa suite alors qu'elle s'engouffrait dans les escaliers. Pourquoi les aurait-elle pris, reprit-elle, les yeux furieux et la bouche sifflante. Elle les détestait !
L'enfant essayait de se libérer de sa poigne de fer, manquant de les faire trébucher dans les dernières marches. La mère tint bon et l'entraîna dans le couloir. Dépassa la chambre vide de Marguerite pour entrer dans celle de Lysandre. Elle ouvrit la porte et se dirigea vers l'armoire. Elle ne lâcha pas pour autant son bras et d'une seule main elle décrocha les robes des cintres, un rictus déformé sur la bouche. Ses ongles s'étaient fichés dans sa peau, elle écumait de rage. Elle relâcha le bras de son enfant, alla farfouiller dans les tiroirs pour trouver des talons et du maquillages. Une ribambelle d'accessoires plus ou moins cachés. Ses deux mains agrippèrent son visage, inspirant, expirant, persuadée de vivre un cauchemar. Et comme tout s'effondrait elle avait besoin de faire un carnage de tout. Elle retourna chaque tiroirs, le bureau, arracha les coutures des robes qu'elle avait cousu pour sa filles et d'autres qu'elle n'avait jamais vu. Elle déchira les chemises. Récupéra la valise de son fils pour la balancer au milieu de la pièce.
- Va-t-en. Et malgré son précédent carnage elle murmurait. Va-t-en et ne revient pas. Ne revenez pas. Ni toi, ni ta sœur. Ou quoi que vous sentiez... Vous n'êtes plus mes enfants.
Et c'est sur ces mots qu'elle quitta la pièce sans même lui accorder le moindre regard. Il valait mieux d'ailleurs car son dégoût était encore palpable. Et elle se sentait honteuse, si honteuse d'imaginer son fils en collants et robe du soir. Sa fille en caleçons et pantalons difformes, chemises carrées et cravates.
- Mon dieu... Mon dieu.
Répétait-elle, enfilant son manteau, récupérant son sac.
- Quand je reviendrais tu seras parti. Hurla-t-elle avant de claquer la porte d'entrée. En s'engouffrant dans l'allée elle croisa le facteur, un certain Malik, et ne lui adressa même pas un regard alors qu'il lui tendait des lettres qu'elle ne pris pas. Elle referma le portail derrière elle et s'engouffra dans sa mini bleue, le pied sur l'accélérateur de la nausée au coin de la bouche. Pour lui. Pour elle. Pour eux. Pour cette histoire.
- Qu'ils disparaissent tous autant qu'ils sont.
Malik se risqua à entrer, il avait vaguement entendu les cris. Vaguement compris qu'il s'était passé quelque chose de grave. Et il savait qu'il ne devrait pas s'en mêler. Mais cette maison à pignon c'était son havre de paix à lui, il ne pouvait pas s'en empêcher. C'était à lui de sauver ces résidents. Timidement il s'enquit, la tête dépassant la porte :
- Il y a quelqu'un? I Mais personne ne lui répondit.
Il inspira. Prit son courage à deux mains et pénétra à l'intérieur. Un peu nerveux. Il espérait sincèrement qu'aucune des veilles résidentes du quartier ne le surprennent à agir ainsi, sinon les rumeurs reprendraient et il ne pourra pas les démentir, cette fois. Mais une fois la porte délicatement refermée c'était le dernier de ses soucis. Les sanglots qu'il percevait lui donnait des frissons. Il n'avait jamais rien entendu d'aussi plaintif.
Ses yeux s'attardaient sur les murs, s'arrêtaient sur chacune des photos suspendues. Il reconnaissait Marguerite et ses cheveux courts, Lysandre et ses cheveux longs. Et la mère, même s'il avait du mal à trouver une quelconque ressemblance entre ce visage détendu et souriant et celui qu'il avait entraperçu, brouillon et déformé par quelque chose de sourd.
Il entendait quelqu'un renifler à l'étage et s'y dirigea avec précaution. Il ne voulait pas qu'on le prenne pour quelqu'un de suspicieux. Puis il se dit rapidement que cette crainte était stupide. Puisque, effectivement, il venait de s'introduire dans la maison d'un particulier. Sans y avoir été invité. Et qu'on ne pouvait décemment pas faire plus suspect.
Cependant, la tristesse qu'il percevait entre ces murs l'enjoignait à continuer. Il se dirigea vers la pièce entrouverte, avec plus ou moins d'assurance. Ce qu'il découvrit ressemblait à un désastre. Et d'ailleurs tout était renversé. Seul, au centre, Lysandre tentait de faire une valise en empilant maladroitement des vêtements déchirés. Des chaussures de toutes les formes, des lettres. Il s'avança vers ce visage ruisselant qui lui avait tant de fois souris. Il murmura:
- Vous avez du courrier.
Toi,
Beaucoup de choses sont arrivées et j'ai dû déménager. Là où je me trouve, le confort est plutôt sommaire. Après tout il n'y a rien, excepté des sanitaires. Mais je ne compte pas m'éterniser. Je doute que ma mère me laisse utiliser cet appartement trop longtemps de toute façon. C'est celui qui se trouve au-dessus de la boutique, mais je crois que je n'y suis plus le bienvenu.
Tout t'expliquer prendrait trop de temps, mais tu avais raison sur une chose. « Si tu y penses et que tu y crois alors quelque chose de bien arrivera un jour. » Et c'est arrivé. Malik m'a tendu la main- tu te souviens de Malik? je t'en ai déjà parlé, tu te souviens? C'est notre facteur. Il m'a aidé à empaqueter mes affaires. N'a rien dit en voyant mes robes et mon maquillage, n'a pas non plus cherché à savoir ce qu'il s'était passé. Il m'a simplement aidé. Passé la matinée à faire des imitations plutôt désastreuses d'acteurs connus et de répliques cultes. Il m'a fait rire quand je pleurai et de ma vie, je n'ai jamais rencontré quelqu'un de si incroyable. Ou alors peut-être que si nous nous rencontrions alors je changerai d'avis? Qui sait? Il m'a aussi proposé de m'héberger. Le temps que les choses se tassent, mais je ne peux pas profiter de sa gentillesse ainsi, n'est-ce pas? Ou plutôt je sais que je pourrai m'y faire et j'y resterai caché toute ma vie. J'ai énormément réfléchi. À ce que je veux être et comment je le veux. Et je crois qu'il est temps pour moi de ne plus avoir peur et d'aller de l'avant. Je compte rejoindre Marguerite à Paris, même si elle doit se faire appeler Armand, maintenant. Là-bas je pourrai être enfin Satine et plus Lysandre.
Et tout cela je te le dois. Je le dois à Marguerite et à Malik et puis surtout à ma mère. Si elle ne m'avait pas jeté dehors alors je ne serai jamais parti. Je continuerai probablement à mentir et sourire, à imaginer que je reste pour son bien, que c'est ainsi que doivent être les choses. J'essaierai de me convaincre que c'est la meilleure chose à faire et puis le soir je me cacherai dans mon armoire, devant mon bureau, encore honteux d'avoir essayé ce rouge à lèvres et de m'être trouvé belle. Enfin beau. C'est encore très compliqué tu sais. Mais pour l'instant je préfère me dire que l'entre-deux me suffit. Ni trop masculin. Ni trop féminin. Juste moi.
Quand tu recevras cette lettre je t'attendrai probablement à la réception de ton hôtel. Ou alors je serai encore sur la route. Avant de débuter ma nouvelle vie je tenais absolument à te rencontrer.
À bientôt, Satine
Satine,
Ne viens surtout pas !! Bon sang j'espère qu'il n'est pas trop tard!
Moi.
Cette lettre n'a jamais trouvé son expéditeur et fut renvoyée à la réception de l'hôtel.
■ QUE FAISIEZ-VOUS AVANT DE POSER LE PIED À L'HÔTEL ;
Tout est dans l'histoire.
■ CROYEZ-VOUS AUX RUMEURS QUI DISENT CE LIEU MAUDIT, HANTÉ ;
Des fantômes? Satine ne pense pas que c'est de cela dont il faut s'inquiéter. Satine n'arrive plus à retrouver cette fichue sortie. Et ça l'inquiète... Ça l'inquiète tellement que chaque matin il lui faut vérifier encore et encore que la ville n'est plus là. Que son esprit ne lui joue pas des tours. Chaque fois que Satine essaie de s'en aller, rien y fait. Satine se retrouve encore et encore devant les portes de cet hôtel.
Et les fantômes dans tout ça? Satine ne sait pas. Si ils finissent par apparaitre alors peut-être que Satine y croira. En attendant Satine ne va pas redouter chaque personne un peu trop pâle sous prétexte qu'ils sont peut-être des revenants. Satine est étrangement pragmatique.
■COMMENT VIVEZ-VOUS LA PERTE DE VOTRE PREMIER SOUVENIR ;
La perte...? Satine sait parfaitement il est/elle est. Satine, en un seul mot. Rien de très compliqué. |
Et sinon, ça va ? PSEUDO ; Elle ÂGE ; très âgée COMMENT AS-TU TROUVÉ LE FORUM ; Top Site/Partenariat /Howl REMARQUE(S) ; Vous êtes bg jpp, j'ai réussi à tout faire tenir en un seul post. Jvm si vous arrivez jusqu'ici UN DERNIER MOT ; J'espère que ça ira. TON AVATAR ; Judar • Magi The Labyrinth of Magic// O.C de Punziella si je peux pas squatter deux entrées je prendrai juste Judar ;;
Dernière édition par Satine le Mer 10 Mai - 2:32, édité 23 fois |
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